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Martine Crumiere, iconographe, artiste peintre
10 août 2024

L'art de l'icône: Théophanie

L'art de l'icône: Théophanie

Un élève me faisait un jour la remarque : «tu n'as pas préparé de texte à nous lire, d'enseignement à nous donner. Je pensais que tu le ferais. » C'est vrai que j'avais coutume, avant chaque atelier, de lire un passage du livre "L'art Sacré" * ou bien de Paul Evdokimov « l'art de l'icône ».

Le temps passant, il m'a semblé superflu de continuer cette pratique ; en effet, à quoi bon lire, à quoi bon emplir un intellect dont l'appétit insatiable réclame sans cesse du nouveau.
Comme si le nouveau était déjà écrit !

Les réflexions théologiques sont lettres mortes si elles ne mettent pas le lecteur en mouvement, fût-il infime, vers un dépouillement de ses savoirs. Passer du savoir à l'expérience. Quelle prise de risque ! Il est plus confortable de continuer à empiler les livres et à les dévorer !

Le travail de l'iconographe est précisément ce saut dans l'inconnu.

Même si le modèle est sous nos yeux, même si la tradition l'a déjà fixé sur une planche de tilleul, même si certains ont, peu à peu, imprimé une touche particulière à leur manière d'incarner la tradition.

Car, Dieu merci, notre manière de peindre nous ressemble : nous ne nous effaçons jamais assez ; sauf que si l'on s'effaçait entièrement, comme le papillon brûlé par la flamme de la bougie, nous ne serions plus là pour apporter au monde ce que l'on a d'unique, pour témoigner par nos œuvres de l'invisible entrevu.

 

Mais l'élève attendait.

Alors, je lui ai fait remarqué que devant l'icône qu'il écrit, il y a comme une théophanie, il est en présence de la Trinité.

Le Père, car comme lui, très humblement, il crée, il met au monde une icône qui n'aurait pas existé s'il ne l'avait pas réalisée.

Le Fils, car c'est en tant qu'être humain qu'il se place devant sa planche de tilleul : ses mains tiennent le pinceau, ses yeux discernent les couleurs, la qualité du mélange- ni trop épais ni trop fluide, son corps entier, bien qu'assis, se prête à l'exercice.

L'Esprit Saint, car c'est Lui que l'on prie, lui que l'hymne acathiste invoque en disant :
« Viens en nous, Très sage Artiste du monde !
Viens, Sublime dans la moindre fleur
comme dans l’astre céleste !
Viens, Diversité indicible et Beauté éternelle !
Viens et illumine le sombre chaos de mon âme !
Viens et fais de nous une nouvelle créature en Christ !
Viens, Consolateur, Esprit-Saint, et demeure en nous ! »

Et c'est l'Esprit Saint qui guide notre main, nos yeux, notre cœur.

 

C'est ainsi que la prière de l'iconographe peut s'élever :

« Toi, Maître Divin de tout ce qui existe,
éclaire et dirige l'âme, l'esprit et le cœur de ton serviteur.
Conduis sa main afin qu'il puisse représenter
dignement et parfaitement ton Image,
celle de ta Sainte Mère
et celle de tous les Saints,
pour la gloire, la joie
et l'embellissement de ton Église.
Mon Dieu, bénis mes humbles efforts,
fais que mon labeur serve l'élévation de mon âme,
pour la gloire de ton Saint Nom. »

 

Tout est là. TOUT est là. Plaçons nous en silence et soyons transparents afin que notre icône soit le plus fidèle à son modèle.

Amen 

 

* L'art sacré, une transcription des cours donnés par le Père Eugraph Kovalevsky, devenu l'évêque Jean de Saint Denis; photo de la couverture de l'article

 

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